Le combat contre la contrebande de tabac est loin d'être terminé
Par Simon Dessureault
Selon Linda Lapointe, conseillère de l'Association canadienne des dépanneurs en alimentation (ACDA) des régions de Laval et des Laurentides et également ancienne députée de Groulx, la diminution des taxes sur le tabac, la sensibilisation sur le tabagisme et le changement de certaines réglementations pourrait enrayer la contrebande de cigarettes.
Selon l'ACDA, le prix des cigarettes de contrebande est jusqu'à sept fois moins cher que le prix régulier des cigarettes en dépanneur et épicerie. Le prix moyen du carton de cigarettes régulier se chiffrerait à 75 $, soit l'équivalent de 8 paquets de 25 cigarettes. Le simple paquet coûterait 9 $. L'ACDA affirme que la contrebande offre le carton à 15 $, et même 11 $ s'il est vendu à la caisse.
«La différence de prix est vraiment énorme. Les gens se tournent vers ce qui est moins cher et ils achètent leurs cigarettes du marché de la contrebande. Il faudrait d'abord diminuer les taxes sur le tabac pour contrer la contrebande, mais il faut plus que cela. Il faut également entreprendre des pourparlers avec les groupes contrebandiers, sensibiliser la population sur les effets nocifs du tabagisme, s'assurer que les personnes mineures n'aient pas accès aux produits du tabac, donner aux policiers plus de pouvoir pour intervenir par rapport à la contrebande, définir une réglementation qui unirait les corps policiers du Québec, du reste Canada et des États-Unis pour renforcer les services douaniers, etc.», a expliqué Mme Lapointe.
Essais concluants en 1994
En 1994, les gouvernements avaient baissé les taxes des produits du tabac pour enrayer la contrebande et l'essai fut très concluant selon un document d'étude des Hautes études commerciales (HEC) fournit par Mme Lapointe à L'Écho de la Rive-Nord. À ce moment, la contrebande de tabac accaparait plus des 3/4 du marché. Le gouvernement fédéral avait donc adopté, en février 1994, un plan d'action qui comprenait entre autres des baisses substantielles de taxes sur les produits du tabac. Plusieurs gouvernements provinciaux ont également emboîté le pas. La politique de baisser les taxes a mis fin à la contrebande quasi-instantanément. Les groupes antitabac ont cependant remporté le combat, alors qu'ils demandaient une augmentation des taxes par la suite.
Contre une diminution de la taxe sur le tabac
Par ailleurs, le député péquiste de Blainville, Daniel Ratthé, estime pour sa part qu'il faut prendre tous les moyens pour lutter efficacement contre la contrebande de tabac, mais il se distancie nettement de la proposition de l'ACDA de diminuer la taxe sur le tabac. «Une diminution de la taxe sur le tabac serait un incitatif pour convaincre un ex fumeur de recommencer ou encore d'encourager un jeune à prendre cette mauvaise habitude. Nous ne pouvons appuyer cette demande de l'ACDA, même si nous partageons la préoccupation de ses membres concernant la contrebande», a conclu M. Ratthé.
Les dépanneurs perdent près de la moitié de leurs ventes de tabac
Par ailleurs, Mme Lapointe mentionne aussi que les dépanneurs sont fortement affectés par la contrebande de cigarettes.
«Lorsque vous perdez l'achalandage des fumeurs, vous perdez plus que les ventes de cigarettes, car les gens achètent souvent autre chose avec un paquet de cigarettes», a-t-elle dit.
L'Écho de la Rive-Nord a sondé quelques propriétaires de dépanneurs de la région afin qu'ils témoignent des conséquences de la contrebande de tabac sur leurs ventes de cigarettes.
Mustafa El, propriétaire du dépanneur Beausoir sur le boulevard Curé-Labelle à Sainte-Thérèse, affirme pour sa part qu'il perd 50 % de ses ventes en cigarettes à cause de la contrebande. De son côté, George Nehme, propriétaire du Dépanneur Miele sur la rue Leduc à Ste-Thérèse, dit que son chiffre de vente en cigarettes diminue d'environ 40 % annuellement à cause du marché de la contrebande. Sous le couvert de l'anonymat, un propriétaire de stations-service dans le secteur mentionne que ces dernières sont moins touchées par la contrebande que les dépanneurs standards. Il évalue perdre environ 15 % de ses ventes à cause du phénomène, mais il a dit que la contrebande lui faisait plus mal par le passé et qu'il s'est ajusté depuis.
Selon Mme Lapointe, la contrebande peut également amener des dépanneurs à fermer complètement. En 2008, au niveau provincial, il y avait environ 7 000 dépanneurs répertoriés, alors qu'en 2010 il y en a moins de 6 000. Elle dit qu'il y a présentement une centaine de dépanneurs dans la MRC Thérèse-De Blainville.
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