Enbridge obtient le feu vert de l'ONÉ
Par Simon Servant
Le dossier de l’inversion du flux de pétrole de la ligne 9B, de North Westover en Ontario à Montréal, a finalement connu son dénouement, jeudi après-midi, alors que l’Office national de l’énergie (ONÉ) a donné son accord à Enbridge, mais sous certaines conditions.
Ce sont 30 conditions qui ont été soumises à Enbridge avant que l’entreprise ne puisse faire passer le pétrole lourd de l’Ouest canadien vers les raffineries québécoises.
Parmi ces conditions, l’ONÉ stipule notamment, dans son rapport officiel de plus de 150 pages, que la compagnie albertaine de transport de pétrole devra se soumettre à des procédures de sécurité concernant son pipeline et qu’elle devra vérifier son intégrité régulièrement.
Cette dernière a quelques fois fait les manchettes à la suite de déversements de pétrole dans des écosystèmes américains et canadiens, mais avait annoncé, en septembre 2013, que plus de 800 millions de dollars étaient investis en ce qui concerne la sécurité de tous.
L’inversion du flux de l’ouest vers l’est permettra de transporter de 240 000 à 300 000 barils par jour.
Les réactions fusent
Depuis déjà plusieurs mois, cette décision attendue avait fait couler énormément d’encre tant chez les différents paliers de gouvernements que chez la population et les mouvements environnementaux.
Les villes de Sainte-Anne-des-Plaines et Mirabel sont les deux seules des Basses-Laurentides à être traversées par le pipeline d’Enbridge. Les maires de ces municipalités sont surtout préoccupés par la sécurité des citoyens.
« Que pouvons-nous faire? Je suis déçu que plusieurs de nos recommandations sérieuses n’aient pas été retenues. Nous voulons protéger l’économie, mais à quel prix? S’il fallait qu’il y ait un bris, ça pourrait être catastrophique pour notre ville alors j’espère qu’on pourra négocier des vérifications ponctuelles », a mentionné Guy Charbonneau, maire de Sainte-Anne-des-Plaines.
Même son de cloche du côté de son homologue de Mirabel, Jean Bouchard, qui ne voit pas différemment qu’auparavant le projet, tant que la sécurité est redoublée.
« Nous ne sommes pas nécessairement contre le projet, mais nous aurions aimé que l’ONÉ prenne un peu plus compte de nos recommandations concernant les assurances en cas de déversements. Pour le bien de nos citoyens, nous nous attendons à ce qu’il y ait des plans de sécurité bien développés. »
Les deux hommes ne sont peut-être pas au bout de leur peine puisque la compagnie pétrolière TransCanada prévoit elle aussi faire passer un oléoduc dans la région au cours des prochaines années.
Les environnementalistes sont en désaccord
Tout comme les maires de Sainte-Anne-des-Plaines et Mirabel, les environnementalistes de la région soulèvent quelques points d’interrogation quant à la sécurité des habitants des villes où passe le pipeline d’Enbridge.
Lors des audiences publiques, qui se sont déroulées à l’automne 2013, c’était un des enjeux principaux et malgré toute la bonne volonté que semble vouloir montrer l’entreprise albertaine, le débat est encore très présent.
« Il y a 30 conditions, mais ça ne nous rassure pas pour autant. Ça demeure un oléoduc qui a 38 ans et beaucoup de gens se souviennent de la catastrophe de la rivière Kalamazoo, où trois millions de litres de pétrole y avaient été déversés », a affirmé Jean Léger, du regroupement des citoyens et citoyennes contre les sables bitumineux dans les Basses-Laurentides.
Ce n’est pas sans rappeler que plus de 4000 litres avaient été déversés à la station de pompage de Terrebonne, en 2011. De plus, des études ont montré que sans compter l’incident de Kalamazoo, trois autres millions de litres ont été déversés par ce pipeline, en 38 ans.
Le rapport de l’ONÉ insiste pour que la compagnie de transport de pétrole répare toutes les anomalies qui se trouvent sur son pipeline, entre Sarnia et Montréal. Récemment, plus de 600 inspections ont été faites.
Une décision peu surprenante
La décision de l’ONÉ n’a toutefois pas surpris certains groupes environnementaux, ce qui a évidemment entraîné une vague de critique à son égard.
« C’était une décision attendue, mais on se doutait que ça allait être accepté, a expliqué M. Léger. Elle était un peu teintée puisque des membres du conseil d’administration de l’ONÉ ont déjà un parti pris à propos des hydrocarbures. »
Chez l’organisme environnemental Équiterre, cette décision a été rabrouée avec véhémence par voie de communiqué.
« En donnant son feu vert sans véritablement imposer de conditions, l'ONÉ fait preuve de complaisance envers l'industrie des sables bitumineux et démontre son incapacité à protéger la santé, la sécurité du public et notre environnement », s'est indiqué Sidney Ribaux, directeur général d'Équiterre.
Au cours des prochains mois, Enbridge devra procéder à plus de 600 excavations afin de compléter l’inversion du flux de sa ligne 9B.
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