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Exaspérés par l'immobilisme de la STM, les employés de soutien songent à la grève

durée 15h02
17 juillet 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Temps de lecture   :  

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Par La Presse Canadienne, 2025

MONTRÉAL — Hot-dogs, hamburgers, pancartes, drapeaux, trompettes et sifflets étaient au menu devant les Ateliers Youville où sont entretenus et réparés les autobus de la Société de transport de Montréal (STM), alors qu’une centaine d’employés d’entretien manifestaient jeudi midi contre la lenteur des négociations.

Cette lenteur, selon le président du Syndicat du transport de Montréal, Bruno Jeannotte, qui représente les quelque 2400 employés de soutien de la STM, pourrait paver la voie vers de nouveaux moyens de pression plus lourds.

En entrevue avec La Presse Canadienne, M. Jeannotte n’a pas caché une certaine exaspération face à l’incapacité de l’employeur de déposer ses priorités après neuf journées de discussions tenues devant le médiateur depuis la fin de la grève à la mi-juin. «La perception qu'on a, c'est que l'employeur fait du temps en ce moment à la table de négociation. Au lieu d'identifier ses priorités, ce qui aurait dû être fait au jour un ou au jour deux du début de la médiation, en ce moment, on nous demande des clarifications sur tel article ou tel article qui, en bout de ligne, ne sera peut-être même pas inclus dans les priorités. Donc on fait vraiment du surplace en ce moment.»

En attente du PL-89?

Bruno Jeannotte soupçonne cet immobilisme d’être alimenté par l’espoir de l’employeur de voir Québec adopter à la vapeur le projet de loi 89, la «Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lock-out».

«On sait que le ministre (du Travail, Jean Boulet) passe le message qu'il y a peut-être une possibilité de devancer les projets de loi comme le PL-89. Est-ce que l'employeur s'accote sur le ministre pour se dire qu'on va avoir le renfort du gouvernement, donc on n'a pas d'avantage à négocier actuellement? Je ne peux pas vous expliquer pourquoi la STM n'a pas encore déposé ses priorités.»

Le PL-89 vise à limiter les grèves et élargir la notion de services essentiels au Québec. Il donne au ministre du Travail de nouveaux pouvoirs pour intervenir dans les conflits de travail, notamment en imposant l'arbitrage pour mettre fin à une grève ou un lock-out dans certains cas.

Déblocage ou moyens de pression

Les employés de soutien ont déjà déclenché la grève du 9 au 17 juin dernier et si l’autobus des négociations ne se met pas en marche, avertit le président du syndicat, il faudra se préparer à rejouer dans le même film. «Est-ce qu'on va être obligé d'aller dans des scénarios de grève pour avoir un impact réel, pour que la STM ait une forme de pression? On ne souhaite pas se rendre là, mais en ce moment, après neuf rencontres complètes de négociations, sans avoir identifié des priorités, je dois vous dire qu'on est un peu inquiets de ce qui s'en vient. Si on n'est pas capables de s'entendre en juillet et qu'on n'est pas capables de s'entendre en août, il est clair qu'il va y avoir des moyens de pression à la rentrée.»

Les salaires et la sous-traitance sont notamment au cœur du litige. Du côté salarial, la partie patronale offre des hausses de 11 % sur cinq ans, soit moins de la moitié des 25 % sur cinq ans que réclament les syndiqués.

La sous-traitance, quant à elle, présente des difficultés multiples. La STM n’a pas caché que le sous-financement par Québec de l’entretien du réseau lui fait songer à ne plus effectuer elle-même ces travaux, particulièrement en construction, mais le syndicat rétorque qu’utiliser des sous-traitants lui coûtera beaucoup plus cher que ses propres employés. Sauf que ceux-ci se demandent pourquoi ils resteraient, fait valoir Bruno Jeannotte.

«Avant, on était quand même au-dessus du secteur de la construction. Aujourd’hui, on regarde les postes à l'externe et il y des conditions salariales qui se sont nettement améliorées dans la construction. Nous, on a besoin d’électriciens, de maçons et de briqueteurs qui travaillent dans le métro la nuit. La compétition offre des postes de jour, des postes où on a congé la fin de semaine, où on est payés en temps supplémentaire la fin de semaine ou la nuit, alors que la STM veut avoir du personnel de jour, de fin de semaine, de soir, de nuit, payé à temps régulier. Ça n’attire pas les gens à venir travailler à la STM.»

De nuit depuis 13 ans

Nous avons parlé à un employé – appelons-le Daniel puisqu’il a demandé de conserver l’anonymat par crainte de représailles de l’employeur – qui exerce le métier méconnu de cantonnier, c’est-à-dire qu’il est affecté à l’entretien des voies dans le métro, et cette réalité exposée par Bruno Jeannotte prend tout son sens lorsqu’on lui a demandé pourquoi il manifestait sous le soleil par cette chaleur torride. «C'est surtout en ce qui a trait à la conciliation travail-famille. Par exemple moi, comme cantonnier, ça fait 13 ans que je suis à STM et je ne vois pas encore le jour où j'aurai un poste de jour. Je suis encore de nuit.»

La convention collective de ces syndiqués est échue depuis le 1er janvier dernier, mais les négociations avaient été amorcées bien avant, soit en mars 2024. La médiation est en cours depuis la fin de la grève, le 17 juin dernier.

Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne