L'ASFC appelée à mieux expliquer ses méthodes ciblant des voyageurs aériens


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Par La Presse Canadienne, 2023
OTTAWA — L'organisme de surveillance en matière de sécurité nationale et de renseignement estime que l'Agence des services frontaliers du Canada doit mieux documenter comment et pourquoi elle sélectionne certains passagers aériens en vue d'un éventuel examen plus approfondi.
Le programme de ciblage de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) utilise des évaluations des risques avant l'arrivée pour identifier les voyageurs aériens les plus susceptibles de ne pas avoir le droit d'entrer au Canada.
Dans un premier temps, l'agence des services frontaliers examine les informations sur les passagers habituellement fournies par les transporteurs aériens commerciaux, notamment l'âge, le sexe et l'origine nationale ou ethnique.
L'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSSNR) a constaté que l'agence des services frontaliers s'appuie sur des informations et des renseignements provenant de diverses sources pour déterminer quels éléments de données doivent être considérés comme des indicateurs de risque.
Un rapport de l'organisme de surveillance du renseignement publié jeudi indique que l'ASFC est légalement habilitée à procéder à un tel ciblage des passagers aériens.
Toutefois, le rapport fait état de lacunes dans la documentation des activités du programme de l'agence frontalière, ce qui a rendu difficile la vérification de la conformité de toutes les décisions avec les restrictions légales et réglementaires.
«Ces lacunes entravent aussi la propre capacité de l’ASFC d’assurer une surveillance interne efficace», peut-on lire dans le rapport.
Un «risque de discrimination»
En 2019-20, l'agence frontalière a utilisé les informations des compagnies aériennes pour évaluer les risques de 33,9 millions de voyageurs internationaux à l'arrivée.
«De brèves suspensions de la liberté de mouvement des passagers sont raisonnables, étant l’intérêt légitime de l’État à contrôler les voyageurs et à réglementer leur entrée», indique le rapport.
Toutefois, il ajoute que les activités de l'agence frontalière «ne doivent pas être discriminatoires», compte tenu des obligations énoncées dans la loi canadienne sur les droits de la personne et la Charte des droits et libertés.
L'absence de justification adéquate, dans plusieurs cas, du recours par l'ASFC à des indicateurs créés à partir de données sur les passagers entraîne un «risque de discrimination», mentionne l'analyse.
Il est important de veiller à ce que les pratiques de tri du programme de ciblage soient «étayées par des renseignements pertinents, fiables et documentés, pour démontrerqueles droits à l’égalité des voyageurs sont respectés», toujours selon le rapport.
L'office de surveillance recommande un certain nombre de mesures visant à améliorer la tenue des dossiers et à identifier et réduire les risques de discrimination. Dans les réponses qui l'accompagnent, l'agence des services frontaliers est d'accord avec les différentes recommandations.
L'examen, qui s'est déroulé de novembre 2020 à septembre 2021, s'est concentré sur les activités de triage de l'agence frontalière dans le ciblage des passagers aériens en rapport avec les menaces potentielles liées à la sécurité nationale. Mais il a également examiné les éléments liés à la migration illicite et à la contrebande.
Deux méthodes
L'ASFC dispose de deux méthodes pour trier les passagers à l'aide des données les concernant: le ciblage par liste de vol et le ciblage par scénario.
Le ciblage par liste de vol est une méthode de triage manuel qui consiste à sélectionner d'abord un vol entrant considéré comme présentant un «risque élevé» de transporter des passagers susceptibles d'enfreindre la loi.
Les agents chargés du ciblage choisissent ensuite les passagers de ces vols pour les soumettre à un examen plus approfondi sur la base de détails les concernant.
Le ciblage basé sur des scénarios est une méthode de triage automatisée qui repose sur des ensembles d'indicateurs préétablis, créés à partir des données relatives aux passagers, que l'ASFC considère comme des facteurs de risque pour un problème d'application de la loi particulier.
Les données relatives aux passagers de tous les vols entrants sont automatiquement comparées aux paramètres de chaque scénario, indique le rapport. Tout passager dont les données correspondent à tous les paramètres d'un ou de plusieurs scénarios est automatiquement sélectionné pour une évaluation plus approfondie.
En ce qui concerne la méthode automatisée de ciblage basée sur des scénarios de l'agence des services frontaliers, l'OSSNR a constaté que l'utilisation des données des passagers pour identifier les menaces potentielles et les infractions à la loi était conforme aux restrictions statutaires.
En ce qui concerne la méthode de ciblage manuel des listes de vol de l'ASFC, l'office de surveillance n'a pas été en mesure d'évaluer les raisons de la sélection des voyageurs individuels et n'a donc pas pu vérifier la conformité avec la loi sur les douanes.
Pour les deux méthodes, l'examen n'a pas non plus été en mesure de vérifier que tous les tris étaient conformes aux restrictions réglementaires relatives à l'utilisation des données sur les passagers par l'ASFC, «à savoir que leur utilisation visait à déceler la participation potentielle à des infractions de terrorisme ou à des crimes transnationaux graves».
Cela est dû à un manque de précision dans la documentation du programme de ciblage basé sur des scénarios et à un manque d'informations sur la base des décisions de triage du ciblage des listes de vol, indique le rapport.
Jim Bronskill, La Presse Canadienne