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Le portrait de ce que serait un microbiome intestinal en santé se précise

durée 11h29
18 décembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

MONTRÉAL — Des chercheurs italiens ont publié un premier portrait de ce qui pourrait constituer un microbiome intestinal en santé, à savoir quel mélange de bactéries témoigne entre autres avec fiabilité d'une faible inflammation, d'un système immunitaire en santé et de niveaux de cholestérol sains.

Cette étude, a commenté le professeur Frédéric Raymond, un spécialiste du microbiome intestinal à la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation de l’Université Laval, apporte certains éléments de réponse à une question qui revient constamment lorsqu'on étudie le microbiome intestinal: est-ce que les bactéries qui augmentent ou diminuent sont associées à la santé ou à la maladie, ou bien se situent-elles quelque part entre les deux?

«Les auteurs de l'étude ont identifié des biomarqueurs d'un microbiote en santé, et des biomarqueurs d'un microbiote qui le serait moins», a-t-il expliqué.

«Quand on parle de microbiote, on va voir dans certains cas certaines bactéries qui sont statistiquement associées aux personnes qui ont un tour de taille plus faible, certaines bactéries associées aux personnes qui ont un tour de taille plus élevé... Mais après ça, on se pose toujours des questions à savoir, OK, mais qu'est-ce que ça veut dire tout ça?»

Une équipe de l'Université de Trente a étudié des données provenant de quelque 34 500 personnes qui ont participé, aux États-Unis et au Royaume-Uni, au programme PREDICT de la firme privée Zoe, qui se spécialise dans l'analyse du microbiome.

Les chercheurs se sont concentrés plus spécifiquement sur les 661 espèces bactériennes présentes chez plus de 20 % des participants, ce qui leur a permis d'identifier les 50 qui étaient les plus étroitement associées à une bonne santé (telle que mesurée par des marqueurs comme la glycémie et l'indice de masse corporelle), mais aussi les 50 les plus étroitement associées à des problèmes.

Vingt-deux des 50 espèces bactériennes qui semblent associées à une bonne santé n'avaient jamais été identifiées auparavant. Elles semblaient plus spécifiquement impliquées dans quatre domaines: les niveaux de cholestérol; la santé immunitaire et inflammatoire; la distribution de graisse dans l'organisme; et le contrôle de la glycémie. Qui plus est, la science ne sait presque rien de 24 des 28 espèces restantes.

En revanche, 44 des 50 espèces bactériennes apparemment associées à une moins bonne santé étaient connues et avaient précédemment été associées à des effets néfastes sur l'hôte.

Les participants jugés en santé parce qu'on ne leur connaissait pas de problèmes médicaux présentaient environ 3,6 fois plus de «bonnes» bactéries que les autres. Les participants ayant un poids santé en présentaient environ 5,2 fois plus que les participants en situation d'obésité.

Les chercheurs ont constaté que la plupart des bactéries étaient associées soit à une alimentation généralement saine et à une meilleure santé, soit à une alimentation de moins bonne qualité et à une santé plus fragile. Mais 65 des 661 bactéries ne trouvaient pas leur place dans cette analyse, ce qui démontre, selon les auteurs de l'étude, que la réalité est incroyablement complexe.

«Ça suggère qu'à l'intérieur d'une même famille, il y a des bactéries qui peuvent être associées à une meilleure santé et des bactéries qui peuvent être associées à une moins bonne santé, a analysé le professeur Raymond. Et ça, c'est vraiment intéressant.»

Défi de longue date

Définir la composition de base du microbiome intestinal humain dans des conditions «saines» chez l'hôte est un défi de longue date, écrivent les chercheurs italiens dans le prestigieux journal scientifique Nature.

«Pour relever ce défi, nous avons reformulé la question de ce qu'est un microbiome associé à la santé en évaluant les espèces du microbiome intestinal en fonction de leur tendance à être corrélées avec des scores alimentaires sains et avec le continuum d'un panel de marqueurs intermédiaires de la santé cardiométabolique, dans des populations importantes et généralement en bonne santé», expliquent-ils.

Leur analyse leur a permis d'identifier «les espèces susceptibles de caractériser les hôtes en meilleure santé, ainsi que d'autres espèces qui sont plus présentes chez les hôtes présentant des facteurs de risque de santé plus défavorables».

La plupart des espèces clés associées à la santé provenaient d'espèces non caractérisées auparavant, «ce qui souligne le vaste fossé dans les connaissances sur la composition du microbiome dans des conditions non pathologiques», soulignent-ils.

«Ça nous donne une idée (des bactéries) qui sont associées positivement ou négativement (à la santé), a dit le professeur Raymond. Mais quelle est la raison? Pourquoi est-ce qu'elles sont associées? Sont-elles causatives d'un ou l'autre? Sont-elles associées au mode de vie de la personne?»

Les chercheurs italiens précisent par ailleurs qu'ils n'ont pas identifié le «microbiome intestinal optimal», puisque la composition de la flore intestinale est influencée par l'alimentation, des facteurs environnementaux, l'âge ou des problèmes de santé qui requièrent de la médication.

L'organisme et le microbiome sont deux systèmes qui interagissent constamment l'un avec l'autre, ont-ils rappelé, et des changements dans l'un entraîneront vraisemblablement des changements dans l'autre. Réussir à discerner un effet de causalité est donc loin d'être simple.

Il est évident qu'il y a une «relation bidirectionnelle entre le microbiote et la santé», a dit le professeur Raymond, «mais qui vient en premier? Est-ce que c'est le microbiote qui fait la santé, ou est-ce que c'est la santé qui fait le microbiote? C'est l'œuf ou la poule?»

On estime que le microbiome intestinal humain est composé d’environ 4500 types de bactéries différentes, qui contribuent toutes au bon fonctionnement de l’organisme. Un déséquilibre du microbiome peut avoir des répercussions importantes sur la santé, notamment en ce qui concerne la digestion, le poids, le système immunitaire et la santé mentale.

De manière plus large, l’impact du microbiome intestinal sur de multiples aspects de la santé humaine retient de plus en plus l’attention de la communauté scientifique. Des études publiées au cours des dernières années ont ainsi témoigné d’une association potentielle entre le microbiome et la santé d’organes comme le cœur, le cerveau et même les yeux.

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne