Le «travail» de rue aide beaucoup de gens dans la région

Par Simon Dessureault
L'Écho de la Rive-Nord s'est entretenu avec un travailleur de rue de Boisbriand et une travailleuse de rue de Sainte-Thérèse afin de faire un portrait de ce métier dans la région et des problématiques locales qui y sont reliées.
Martin Quevillon pour Boisbriand et Karine Dorion pour Sainte-Thérèse travaillent pour l'organisme l'Écluse des Laurentides, qui pratique le travail de rue. Karine et Martin parcourent les quartiers de leur ville respective toutes les semaines afin d'aider les gens en difficultés de tous âges. Karine est travailleuse de rue depuis 6 ans et Martin Ouimet intervient à Boisbriand depuis 2 ans et demi.
@Texte:«Le métier de travailleur de rue a commencé dans les grandes villes et il était géré par les CLSC au début des années 1970. Les travailleurs de cette époque se rendaient compte qu'ils avaient de la misère à avoir des gens qui allaient à leurs services directement. Ils se sont rendu compte que l'approche devait démarrer de la rue pour rejoindre les clientèles plus difficiles. Peu à peu, cette approche a fait ses preuves», explique Karine Dorion, l'unique travailleuse de rue à Sainte-Thérèse, qui affirme qu'il y a environ 250 travailleurs de rue au Québec.
Créer le lien de confiance
Étant donc sur le terrain où ils parcourent les rues, les parcs, les organismes et certains endroits ciblés, le travailleur de rue doit prendre le temps d'établir un lien de confiance avec la personne dans le besoin. «Le commencement du travail de rue consiste à de 6 à 9 mois d'observation. Ce ne sont pas les gens qui vont aller vers nous, c'est nous qui s'implantons dans leur milieu. Il faut passer une période d'apprivoisement. Gagner la confiance est un travail de longue haleine. On va donc investiguer des lieux. On va aller prendre un café ou aller dans tel bar, se faire connaître et créer des liens. C'est à nous de garder le respect de notre monde. Les personnes qu'on aide sont souvent marginalisées, criminalisées et elles se sont éloignées des ressources habituelles», explique pour sa part Martin Quevillon, également unique travailleur de rue à Boisbriand.
«Une majorité de gens que l'on rencontre n'ont pas été aimés et n'ont pas été soutenus dans leur jeunesse. Ils n'ont pas les outils pour avoir confiance en eux et entrer en relation avec les autres. Ils sont laissés à eux-mêmes et ils n'ont plus beaucoup de personnes autour d'eux», mentionne Karine.
L'intervention
Une fois le lien de confiance établi, l'intervention directe commence à prendre forme pour le travailleur de rue. «Un coup que l'on entre en lien avec quelqu'un et que la confiance est établie, on essaie de stabiliser ce qui ne va pas bien. On va tranquillement faire de la réduction de méfaits. On peut donner un coup de main pour trouver une place où loger, essayer que la personne ait accès à de la nourriture, on peut faire de l'accompagnement en hébergement, etc. Notre travail est de faire de la référence en travail personnalisé. On connaît des ressources à la clinique des jeunes, à l'hôpital, au CLSC et plein d'autres endroits. À un moment donné, les gens de notre clientèle développent un réseau d'intervenants qui peuvent les aider», explique Karine.
Les problématiques rencontrées
L'itinérance, la toxicomanie et des problèmes de santé mentale sont des problèmes fréquemment rencontrés à Sainte-Thérèse et Boisbriand. D'ailleurs, l'itinérance existe à Sainte-Thérèse et Boisbriand malgré les apparences. «Oui, il y a de l'itinérance à Boisbriand. Les centres de crise et les hôpitaux sont les ressources disponibles pour ces personnes», affirme Martin.
«Il y a aussi de l'itinérance à Sainte-Thérèse, mais on parle surtout d'instabilité résidentielle», soutient Karine.
Le travailleur de rue peut également être appelé à intervenir par rapport à plusieurs problématiques différentes. «C'est de tout, ça dépend qui va nous appeler durant une journée. Ça peut être des peines d'amour, le jeune qui ne s'entend pas bien avec ses parents, ça peut aussi être de la violence conjugale, etc. Parfois, on va dealer le même problème pour trois personnes de façon totalement différente pour chacune», précise Karine.
Deux jeunes témoignent
L'Écho de la Rive-Nord a obtenu le témoignage de deux jeunes qui ont bénéficié de l'aide de Karine et Martin.
Pour commencer, Cynthia, dont on va simplement nommer le prénom, a été aidée par Karine.
Cynthia a connu Karine alors qu'elle avait 19 ans, en 2004. «On est entrées en contact par l'entremise d'un autre travailleur de rue de l'Écluse des Laurentides, alors que j'avais besoin d'aide pour déménager mes affaires. Karine était venue nous aider», a-t-elle commencé.
Mais avant de connaître Karine, la réalité de Cynthia était très difficile.
«J'ai logé à plusieurs centres d'hébergement dans les Laurentides parce que j'étais dans la rue. Je me suis promenée un peu partout, tel qu'à Sainte-Adèle, Saint-Jérôme, Sainte-Thérèse, etc. J'ai dû être placée en famille d'accueil très jeune. Ma relation avec mes parents était très difficile et ils n'étaient pas tellement présents», a témoigné Cynthia.
Cynthia a donc décidé de faire confiance à Karine. «Karine m'a beaucoup soutenue et beaucoup écoutée. Elle a été à la fois une mère et une sœur pour moi. Elle m'a aidée à me trouver un appartement. Elle m'a ouvert des portes que je ne connaissais pas», a confié Cynthia.
Même si elle a connu la réalité de vivre dans la rue, Cynthia s'en est bien tirée vu les circonstances. «Je n'ai pas eu de problèmes par rapport aux gangs de rue. J'ai dû coucher dans des parcs et ce n'était pas facile, mais je m'en suis sortie», conclut-elle.
Aujourd'hui, Cynthia produit un CD avec son copain dans lequel elle chante. Elle veut faire un spectacle-bénéfice pour les jeunes.
Deuxième témoignage
De son côté, Annick vit présentement à Boisbriand et elle a eu recours aux services de Martin Ouimet.
Elle le connaît depuis maintenant 3 ans. «Au début, je n'avais pas trop confiance en lui, je me méfiais parce que je ne le connaissais pas. On a jasé à l'Ado base à Boisbriand (un centre pour adolescent). C'est à cet endroit que l'on m'a mise en contact avec Martin. J'ai finalement connu son grand sens de l'humour», a-t-elle dit en riant.
Tout comme Cynthia, Annick a habité dans plusieurs familles d'accueil différentes, mais elle n'a jamais vécu dans la rue cependant. «Je suis placée dans des familles d'accueil depuis l'âge de six mois et j'ai été transférée dans plusieurs villes. C'était très instable. À 7 ans, j'avais déjà habité dans sept familles d'accueil différentes. Je changeais de ville chaque année. Disons qu'à la base, j'avais des parents incompétents», poursuit-elle dans son témoignage.
En fin de compte, Martin lui a appris à faire un peu plus confiance aux gens en général. «Martin m'a beaucoup aidée, il m'a montré que les personnes, ce n'était pas si méchant que cela. Ça m'a aidée à créer des liens. Je n'ai plus peur du monde et j'aime la vie maintenant», dit-elle.
Annick a maintenant un copain et deux emplois.
Les réalités sont différentes entre Sainte-Thérèse et Boisbriand
La situation est cependant différente entre Sainte-Thérèse et Boisbriand par rapport aux ressources et aux interventions possibles pour les travailleurs de rue.
Selon Martin Quevillon, il y a plus de services et de ressources à Sainte-Thérèse qu'à Boisbriand. Il soutient que l'esprit communautaire est installé depuis plusieurs années à Sainte-Thérèse.
Les besoins se font d'ailleurs de plus en plus ressentir à Boisbriand. «Avant, il y avait l'usine GM et ceux qui restaient à côté. Il y a plus d'adolescents ici, mon secteur est beaucoup plus résidentiel que Sainte-Thérèse. Les gens de Boisbriand qui veulent avoir des ressources vont souvent ailleurs, soit à Sainte-Thérèse, Saint-Eustache, Saint-Jérôme et Montréal. Mais il y en a quand même qui restent et utilisent les ressources de Boisbriand», mentionne-t-il.
@Les ressources dans la région
- Centre d'entraide Thérèse-De Blainville
- Comptoir Dépanne-tout
- Resto-Pop
- Carrefour Jeunesse-Emploi
- Regain de vie
- CSSS Thérèse-De Blainville
- Hébergement 3 nuits Laval
- Le Petit Peuple
- La paroisse Ste-Famille
- Unité DomRémi alco-toxico
- Adobase
- Mesures alternatives des Basses-Laurentides
- Soleil Levant
- Hébergement Le Répit
- Accueil communautaire jeunesse
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