Matériaux et travail étaient gratuits

Par Jean-Louis Fortin, Félix Séguin et Andrew McIntosh, Bureau d'enquête
Un haut dirigeant syndical de la construction, Donald Fortin, a reçu gratuitement des matériaux et de la main-d’œuvre de la part d’entrepreneurs pour construire sa luxueuse maison de Blainville.
Notre Bureau d’enquête a découvert que, en 2003, au moins cinq entreprises de construction ont offert gracieusement leurs services à Fortin, qui est aujourd’hui directeur général du Conseil provincial (International). Il faisait alors bâtir sa résidence de plus de trois quarts de million de dollars.
Presque tous avaient un point en commun, selon nos sources, qui proviennent des milieux de la construction, policiers et administratifs. L’année précédente, ils avaient travaillé ou soumissionné sur un des plus gros projets de construction industrielle de ces dernières années au Québec, à savoir la phase II de l’aluminerie Alouette.
Or, la centrale syndicale au sein de laquelle Fortin était alors un influent agent d’affaires représentait une bonne partie de la main-d’œuvre sur le chantier.
«En construisant la maison de Donald, les entrepreneurs achetaient la paix syndicale, mais ils faisaient plus que ça. Ils faisaient en sorte que leurs chantiers ne subissent pas de ralentissements parce que Donald avait le pouvoir de faire ralentir les gars», a raconté une source très près du dossier.
« De la magouille », dit une source
La maison du chef syndical, qu’il a vendue 823 000 $ en 2011, était la propriété de la Fiducie d’Alma Blainville, dont deux des trois fiduciaires sont Donald Fortin lui-même et son épouse.
Notre enquête a permis de découvrir que la firme Parmétal fait partie des entreprises qui ont absorbé une partie des coûts de construction de la résidence.
Un matin, les monteurs d’acier de Parmétal, affiliés au local 711 de l’Inter, ne se sont pas présentés sur un chantier où ils devaient travailler, dans l’Est de Montréal.
Inquiet, le chargé de projet a appelé l’entreprise, et les travailleurs ont finalement été localisés sur le site de construction de la maison de Donald Fortin, nous raconte une source chez Parmétal qui a requis l’anonymat.
«Les hommes n’étaient pas payés à l’heure, mais bien à prix fixe. Donc, on a dû absorber le coût des travaux sur la maison de Donald», ajoute-t-elle.
«C’est clairement de la magouille, ce qui s’est fait là», observe notre source.
Étonnant
Une autre entreprise, Grues Fortier, qui est aujourd’hui une filiale de Grues Guay, a aussi fourni gratuitement machinerie et main-d’œuvre afin de monter une partie du toit de la maison de deux étages, dont les murs sont revêtus de pierre.
Les équipements de Grues Fortier ont également été utilisés pour enlever une large pierre dans la cour, là où devait aller le spa, a-t-on pu apprendre.
La construction d’une si luxueuse résidence par Donald Fortin est étonnante, selon certaines personnes à qui nous avons parlé, parce que le directeur général de l’Inter a déclaré faillite en 1995, avec des dettes de 267 000 $ contre un actif de seulement 173 800 $.
«Tout le monde trouvait ça bizarre que, après sa faillite, il se retrouve avec une maison d’un million de dollars. C’est assez spécial», a confié quelqu’un chez Grues Fortier.
Plusieurs sources nous disent que Gastier, une entreprise qui figure aujourd’hui dans l’empire de Tony Accurso, a aussi participé gratuitement à la construction de la maison. Mais un cadre supérieur de l’entreprise, Sylvain Pelletier, a nié cette information avant de mettre fin abruptement à la conversation téléphonique.