Guerre de tranchées autour des terres

Par Denise Proulx
L’Agence métropolitaine de transport (AMT) considère que la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ) lui a donné l’autorisation de préparer les plans et devis pour l’installation d’une gare en pleine zone agricole, à Saint-Janvier de Mirabel.
Les opposants au projet estiment qu’en laissant l’AMT faire à sa guise, le gouvernement Marois appuie l’étalement urbain et la spéculation sur les meilleures terres du Québec.
Jeudi, dans une ultime tentative pour bloquer la mise en œuvre de la gare, dont l’emplacement est en litige depuis 10 ans, l’UPA, l’Ordre des architectes du Québec et des groupes environnementaux ont interpellé le gouvernement de Pauline Marois et le ministre des Transports, Sylvain Gaudreault, afin qu’ils fassent preuve de cohérence dans ce dossier qui représente à leurs yeux un gaspillage de terres agricoles.
Le propriétaire de la terre convoitée, André Lapointe, a reçu un avis d’expropriation de la part de la Ville de Mirabel et malgré son refus, il devra passer en cour en octobre 2013. À deux reprises, la CPTAQ a rejeté la demande de la Ville de Mirabel et de l’AMT d’installer une gare en zone agricole. C’est en utilisant un article de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles que le projet a finalement été autorisé.
« Installer une gare en pleine zone agricole en utilisant à mauvais escient une disposition légale traitant d’aqueducs et d’égouts ne fait aucun sens (…) En utilisant un terrain disponible en zone blanche au milieu de la zone habitée, l’occasion serait belle pour Mirabel de miser sur la réalisation d’un TOD (Transit Oriented Development), comme l’encourage le Plan métropolitain d’aménagement et de développement (PMAD) de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) », a déclaré Marcel Groleau, le président de l’Union des producteurs agricoles.
Que Québec soit cohérent
« On voir l’AMT se faire complice de ce manque flagrant de vision, c’est inacceptable. L’État a un devoir minimum de cohérence et d’exemplarité. Il faut se réveiller maintenant, d’autant plus que c’est de l’argent public. On ne peut pas favoriser l’agriculture urbaine à Montréal et laisser se déstructurer l’agriculture dans les couronnes», s’est scandalisé André Bourassa de l’Ordre des architectes du Québec.
«C’est signe qu’il y a urgence pour renforcer la Loi sur la protection du territoire agricole . Cette Loi devrait enlever aux municipalités la reconnaissance du droit de grandir au dépend du territoire agricole. Il est important que Sylvain Gaudreault parle à l’AMT», a lancé de son côté Alexandre Turgeon, porte-parole de l’organisation Vivre en Ville.
« La gare de Mirabel est en porte-à faux avec le PMAD. C’est la crédibilité du ministre qui est en jeu. Il ne peut pas dire une chose et faire son contraire tout le temps », a appuyé Karel Mayrand de la Fondation David Suzuki.
Avec l’adoption du PMAD, l’intention gouvernementale était de limiter l’étalement urbain et de protéger le patrimoine agricole qui ceinture Montréal. Entre 2007 et 2009, la zone agricole comprise dans le territoire de la CMM a perdu 826 hectares, soit l’équivalent de 1530 terrains de football.
« On n’est pas contre la gare. On est contre son emplacement. Ça prend un téléphone du ministre [Gaudreault] pour dire que c’est assez de gruger les terres agricoles», », a renchéri Richard Maheu, le président de la Fédération Outaouais-Laurentides de l’UPA
Le politique se renvoie la balle
Refusant de commenter le dossier, le ministre des Transports, des Affaires municipales, des régions et de l’occupation du territoire, Sylvain Gaudreault, a transmis par courriel que « tant que nous n’aurons pas de réponse de la CPTAQ à la demande d'avis du MAPAQ nous émettrons aucun commentaire. Une chose est certaine, notre gouvernement croit aux transports collectifs et la demande pour une gare à Mirabel est très forte de la part de la population. »
De son côté, le ministre de l’Agriculture attend la réponse de la CPTAQ, à qui il a demandé un avis, pour prendre position. « Nous ne commenterons pas le dossier tant que l’avis ne sera pas rendu », a déclaré Maxime Couture, le porte-parole du ministre François Gendron.