Membre du FIQ-Syndicat
Témoignage d'une infirmière: « Nous nous sentons comme des pantins »
Par Salle des nouvelles
Une infirmière membre du FIQ-Syndicat des Professionnelles en soins des Laurentides, qui travaille dans un centre hospitalier du Nord de la région, livre un témoignage sur son quotidien. Elle révèle ainsi de gros dysfonctionnements dans les conditions de travail qui lui sont imposées, à elle et ses collègues.
« Je voudrais que la réalité du domaine de la santé actuelle, soit mise à nue!
On voit et entend souvent parler des préposés aux bénéficiaires et des CHSLD, mais la problématique est vraiment plus grande que cela!
Je suis infirmière clinicienne, je travaille dans un CH du CISSS des Laurentides, section Nord, depuis presque 5 ans.
Je suis une passionnée de la profession, mais depuis quelques semaines la passion s’éteint au gré des circonstances entourant l’obligation et l’imposition de nos conditions!
Depuis bien plus que quelques semaines déjà, nous sommes en pénurie de main d’œuvre et nous tentons de nous battre pour faire valoir nos droits.
La répétition des temps supplémentaires et temps supplémentaires obligatoires est une réalité omniprésente qui, censée être une alternative temporaire et rare, s’est incrustée dans une roue qui tourne et tourne sans fin.
Monsieur Legault nous appelle ses « anges-gardiens », pourtant nous nous sentons comme des pantins!
J’ai une foi immense en notre Québec et notre gouvernement, mais avant de nous imposer ces changements, pourquoi ne pas simplement proposer le volontariat?
On se sent actuellement brimés et abusés! Pourtant dans plusieurs de nos établissements, on ne comprend même pas que ces conditions soient déjà appliquées alors que la crise n’est pas commencée et quand même bien contrôlée!
Le gouvernement fédéral donne de l’argent aux étudiants pour leur permettre de prendre des vacances, alors que nous, on nous enlève nos vacances d’hiver et projette de retirer celles de l’été! Nous sommes humains au même titre que tous les citoyens, on nous brule par les deux bouts avant même d’avoir le besoin réel de devoir le faire!
On nous force à travailler des temps complet, sur des quarts de travail que nous n’avons pas choisis, alors que certaines personnes n’ont aucunement les moyens ou la capacité de travailler un temps complet. C’est vrai, si on y pense, on est tous vulnérables parce qu’on est humains et on a nos limites aussi.
« Strict minimum de protection »
Certaines infirmières que je connais sont monoparentales, comment pourront-elles continuer sur des quarts de travail impossibles à concilier avec leurs enfants?
On parle maintenant d’instaurer douze heures consécutives, deux fin de semaines sur trois ! Cela signifie être en congé une fin de semaine par mois.
En plus du temps complet qui nous est imposé et du retrait de nos vacances... J’ai choisi ce métier parce que j’aime les gens, j’ai toujours voulu faire la différence pour les autres, mais à quel prix?
J’ai moi-même une famille qui a besoin elle aussi de moi, mais nous ne pouvons même plus dire que j’en fais partie tant je ne suis pas là pour eux!
Je vais me battre au front, dans la sécurité qu’on tente de nous fournir jusqu’à ce que la guerre soit gagnée, mais pas aux dépends de la sécurité de mes patients et de mes enfants!
En effet, outre le fait que l’on nous impose et nous dicte la conduite à suivre dans notre domaine, on nous offre le strict minimum de protection.
Il faut user nos équipements de protection jusqu’à ce qu’on se demande même s’ils nous protègent encore! Si nous devenons trop épuisés dans les conditions de travail qu’on nous impose, j’ai peur, peur que la sécurité de nos usagers soit compromise par des actes aveuglés par l’épuisement du personnel soignant!
« Qui vous soignera ? »
Je me fais avocates des patients et j’ai peur que la fatigue compromette les actes et ce, malgré toute la bonne volonté du monde! J’implore le gouvernement et le peuple québécois de s’opposer à ce qu’on nous impose ce genre de conditions de travail, parce que je crois que ce que ce mouvement créera, c’est des démissions en bloc... Et nous n’avons pas besoin de cela, nous avons besoin d’être unis dans l’adversité invisible qu’est le covid-19!
Ce ne sera pas les minces primes de 4-8% qui changeront quelque chose non plus! Parce que c’est ensemble qu’on réussira à endiguer la pandémie, mais il faut user de la bonne gestion du personnel soignant et faire les choses de la bonne façon !
Vous excuserez-vous auprès des familles de ceux-ci lorsqu’ils n’auront plus la force de se relever ?
En avion on apprend à nous mettre un masque d’oxygène en premier, pour pouvoir ensuite le mettre aux autres... Qui vous soignera quand la totalité des travailleurs seront trop épuisés pour le faire? »
Pour partager votre opinion vous devez être connecté.