Santé
Nouvelle méthode pour protéger les cœurs en vue d'une greffe

Par La Presse Canadienne
Une nouvelle technique développée par des chercheurs américains pourrait augmenter le nombre de cœurs disponibles pour une greffe, en plus de contourner certains des obstacles inhérents aux techniques actuelles.
La technique développée par les chercheurs de l'université Vanderbilt consiste à irriguer le cœur du donneur avec deux litres d'une solution de préservation oxygénée froide avant son prélèvement. Cela a permis de préserver l'organe, après un décès circulatoire, pour une période pouvant atteindre huit heures avant la greffe, ce qui élargit le rayon à l'intérieur duquel on peut trouver un donneur.
«C'est une perfusion avec une pression et un débit contrôlés à basse température, a expliqué le docteur Pierre-Emmanuelle Noly, qui est chirurgien cardiaque à l'Institut de cardiologie de Montréal. Ça permet, si on veut, de mettre le cœur au repos pour pouvoir le prélever, le stocker dans une glacière à dix degrés (Celsius) et ensuite aller le transplanter.»
Deux techniques sont actuellement utilisées lors d'une greffe cardiaque, et les deux s'accompagnent d'obstacles importants.
La première technique consiste à réanimer le cœur dans le corps du donneur avant son prélèvement, ce qui soulève certaines questions éthiques et n'est pas autorisé dans toutes les juridictions. La deuxième technique consiste à préserver le cœur à l'extérieur du corps du donneur, ce qui implique le recours à de l'équipement sophistiqué et extrêmement dispendieux.
Les chercheurs de Vanderbilt assurent que leur technique permet d'éviter ces obstacles, ce qui pourrait voir augmenter le nombre d'organes disponibles pour une greffe.
«En évitant les dilemmes éthiques associés à la perfusion régionale normothermique thoraco-abdominale et les coûts excessifs des systèmes commerciaux ex situ, notre technique pourrait permettre la récupération et la transplantation réussies de cœurs de donneurs (après un décès circulatoire) soigneusement sélectionnés dans des centres et des régions qui n'avaient auparavant pas accès aux allogreffes cardiaques (après un décès circulatoire)», écrivent-ils ainsi dans le très réputé New England Journal of Medicine.
Les auteurs de l'étude admettent toutefois que leur technique comporte elle aussi ce qu'ils appellent un «détriment pratique», à savoir qu'elle ne permet pas d'évaluer la condition ou l'efficacité du cœur avant son prélèvement, comme cela serait fait avec les deux autres techniques.
C'est possiblement pour cela que les résultats de l'étude publiée portent uniquement sur les trois premières greffes réalisées à l'aide de cette technique ― et que dans les trois cas, il s'agissait de donneurs jeunes et en bonne santé dont on peut supposer que le cœur était en excellente condition.
«L'âge des donneurs est très jeune, ils n'ont aucun antécédent cardiaque, ils ont une échographie qui montre avant que le cœur fonctionne de manière normale (...), a énuméré le docteur Noly. Il n'y a pas vraiment de raison de penser qu'il va y avoir un problème subséquent, donc c'est pour ça qu'ils peuvent se permettre de faire cette technique-là, quand on est certain que le cœur du donneur est normal.»
Car avec cette nouvelle technique, a-t-il souligné, «il n'y a pas d'évaluation fonctionnelle du cœur et à aucun moment le cœur ne rebat entre le prélèvement et la transplantation».
Il note aussi que les chercheurs sont intervenus très rapidement après le décès circulatoire des donneurs, nettement à l'intérieur de la fenêtre de 30 minutes qui est recommandée.
Et même si l'étude porte sur seulement trois cas, les chercheurs de Vanderbilt indiquent que la technique a maintenant été utilisée lors d'une vingtaine de greffes, et que les résultats ont été similaires ― voire supérieurs ― aux techniques classiques.
Ils affirment en terminant qu'on pourrait éventuellement envisager d'utiliser la même technique lors du prélèvement et de la greffe d'autres organes.
Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne