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Et une espérance de vie plus basse

Étude: le privé en santé augmente le taux de mortalité, des experts inquiets

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20 novembre 2025
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Par La Presse Canadienne

Des experts s'inquiètent de la direction que prend le Québec en faisant appel de plus en plus au secteur privé pour offrir des soins à la population (soins qui sont souvent financés par le public). Une nouvelle étude de l'IRIS montre que les pays avec une plus grande présence du privé en santé ont des taux de mortalité plus élevés et une espérance de vie plus basse.

L'étude de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), publiée jeudi, a analysé le système de santé de 25 pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Les résultats concluent que ceux qui laissent une plus grande place au privé à but lucratif dans le domaine de la santé obtiennent de moins bons résultats pour sept indicateurs de mortalité.

Dans le rapport, on distingue le financement privé, c'est-à-dire d'où vient l'argent (s'il provient de la poche des gens ou des assureurs, c'est privé, s'il vient de l'État, c'est public) de la prestation privée, à savoir les fournisseurs de soins, par exemple des hôpitaux ou établissements privés à but lucratif.

Le Canada possède un modèle mixte. Il est dans le groupe des pays avec un financement privé élevé, mais avec à peine 1 % de ses hôpitaux qui sont privés, donc il a une prestation privée faible.

En effet, le Canada laisse une place importante aux assurances privées et aux frais chargés directement aux patients dans certains secteurs, tels que les médicaments, la physiothérapie et la santé mentale, expose Anne Plourde, chercheuse de l’IRIS et autrice de l’étude.

«On a des résultats plutôt médiocres sur la majorité des indicateurs qu'on a analysés, donc cinq sur sept indicateurs. Le Canada a de moins bons résultats que la moyenne des pays qu'on a retenus pour l'analyse. Même dans certains indicateurs, comme le taux de mortalité infantile et la mortalité maternelle, le Canada se démarque vraiment avec des résultats très mauvais», détaille Mme Plourde.

«Au Québec notamment, on sait qu'on est engagé dans un processus de privatisation des chirurgies en particulier. On a beaucoup recours aux chirurgies, dans le soutien à domicile également on veut privatiser davantage les services, la télémédecine aussi, c'est un des domaines par où se passe beaucoup la privatisation de services, puis ça, c'est assez préoccupant», commente la chercheuse.

Mylaine Breton, de la Chaire de recherche du Canada en gouvernance clinique des services de première ligne et professeure titulaire au département des sciences de la santé communautaire à l'Université de Sherbrooke, s'inquiète particulièrement de la montée du privé en télémédecine. Elle constate qu'il y a présentement une expansion des consultations virtuelles, une conséquence de la difficulté d'accès aux services de santé.

«Une brèche importante récente, c'est la télémédecine, les téléconsultations. Parce que là, on permet aux médecins de travailler à la fois dans le privé et dans le public, ce qui n'est pas possible normalement», explique Mme Breton. Ainsi, le patient paie directement de sa poche pour un service qui devrait être couvert dans l'éventail de soins couverts par le régime public. «Pour moi, ça, c'est un danger», dit-elle.

Pas juste la faute du privé

Bien que la privatisation ait indubitablement un impact sur certains indicateurs de mortalité, les déterminants sociaux, comme l'éducation et le logement, sont d'autant plus importants, précise Mme Breton.

«Un des déterminants de la santé, c'est le système de santé, mais qui expliquerait seulement 20 % de la mortalité. Donc 80 % de la mortalité est expliqué par des facteurs qui sont à l'extérieur du système de santé. On focus peut-être sur le 20% du système de santé pour l'expliquer, mais les grands [conducteurs] sont beaucoup plus larges», dit-elle. Dans une même ville, par exemple Montréal, on observe des écarts de mortalité entre les quartiers riches et les plus défavorisés.

Régis Blais, professeur titulaire et responsable des programmes de 2e cycle en administration des services de santé à l'École de santé publique de l’Université de Montréal (ESPUM), pointe aussi que d'autres variables, telles que les ressources disponibles, notamment le nombre de médecins, d'infirmières par 1000 habitants, n'ont pas été prises en compte. «On n'évalue pas non plus la qualité des soins. Est-ce que deux pays qui auraient le même niveau de privatisation ont une qualité comparable?», demande-t-il.

Des chirurgies payées avec la carte soleil

Pour faire baisser les listes d'attente en chirurgie, le gouvernement Legault a décidé d'entreprendre un virage vers le privé. Une situation qui risque d'engendrer des problèmes à long terme, selon les experts consultés.

M. Blais reconnaît que les listes d'attente en chirurgie sont importantes, d'où la volonté du gouvernement de faire appel au privé. Il souligne cependant que des cliniques privées où l'on pratique des chirurgies, ça commence à ressembler à un hôpital privé, à de la prestation privée.

«Ça veut dire des médecins qui travaillent dans des entreprises privées, des cliniques chirurgicales privées où il y a l'équipement pour faire un remplacement de la hanche, pour faire plein d'autres chirurgies qu'on retrouve dans les hôpitaux», résume-t-il. Le financement est donc public, la prestation privée. Dans le rapport de l'IRIS, on démontre que lorsqu'on combine les deux, les indicateurs de mortalité sont généralement pires.

«On nous fait la promesse que si on a recours davantage au privé, ça va améliorer l'accès au service. C'est la principale raison invoquée par les gouvernements dans différentes provinces pour justifier une privatisation accrue des services», soutient Mme Plourde.

«On a publié d'autres études qui remettent cette prétention du privé en question, d'améliorer l'accès au service même quand c'est payé par des fonds publics. Mais d'autre part, ce qu'on constate avec l'étude qu'on publie aujourd'hui, c'est que même si ça améliorait effectivement l'accès au service, le constat est qu'il y a un lien entre plus de place pour le privé en santé et plus de mortalité. Ça, c'est très préoccupant», fait valoir la chercheuse de l'IRIS.

M. Blais affirme qu'à long terme, ce n'est pas une solution viable. «Au Québec en particulier, [les chirurgiens] disent qu'on n'a pas assez de temps opératoire, on ne peut pas opérer autant qu'on veut dans le réseau public parce qu'il manque de personnel de soutien, que ce soit les inhalothérapeutes ou les infirmières en particulier. Ça veut dire que ces médecins, ces chirurgiens, qui veulent exercer leur métier, s'en vont dans le privé, là où ils recrutent aussi du personnel pour les assister dans les chirurgies. Donc, si le secteur privé est attrayant, [...] à ce moment-là, ces professionnels, ces médecins, ces chirurgiens ne sont pas disponibles dans le public», explique-t-il.

Mme Breton est aussi découragée par les nombreuses salles d'opération sous-utilisées faute de personnel. Elle souhaiterait que le gouvernement «réfléchisse autrement», non pas avec des firmes privées, mais en misant sur une meilleure collaboration avec les chercheurs universitaires du Québec. «J'ai de la misère à imaginer comment on ne peut pas trouver des modèles d'expérimentation avec le même financement», lâche-t-elle.

Pour freiner l'exode des médecins vers le privé, rappelons que le ministre de la Santé, Christian Dubé, a adopté le printemps dernier le projet de loi 83 qui oblige entre autres tous les médecins à obtenir une autorisation de Santé Québec s'ils veulent se désaffilier du régime public pour aller pratiquer au privé.

La couverture en santé de La Presse Canadienne est soutenue par un partenariat avec l'Association médicale canadienne. La Presse Canadienne est seule responsable de ce contenu journalistique.

Katrine Desautels, La Presse Canadienne

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