Industrie de la construction: quand accepter des pots-de-vin devient la norme

Par Josiane Yelle
Parce que les exemples sont innombrables, recevoir une caisse de bouteilles de vin et se faire payer la céramique de ses travaux de salle de bain ne sont que quelques-uns des pots-de-vin qui ont été offerts à Claude Malouin.
Cet expert-conseil de la firme de gestion de projets LeM de Rosemère n'est pas mal à l'aise d'en parler. Il a tout refusé, a même insisté pour recevoir ses factures. « Sans ça, tu n'as plus aucune indépendance », indique-t-il.
Ses collègues et lui sont d'ailleurs très fiers d'afficher leur marque de commerce, récemment enregistrée : « en toute transparence ». Leur but est bien précis. Ils veulent bousculer les mœurs douteuses qui prévalent dans le domaine de la construction, et ce, même s'ils sont parfois vus comme des extra-terrestres du milieu.
« Nous luttons à contre-courant depuis 15 ans, précise alors la contrôleure et comptable de l'entreprise, Nadia Joly. Je peux dire que les mentalités sont très bien implantées ».
Espérer une enquête
À l'inverse de plusieurs présidents d'entreprises qui œuvrent dans le milieu de la construction, Claude Malouin souhaite qu'une enquête publique soit réalisée. « Même s'il n'y a pas d'arrestations, ça serait utile pour changer les règles et repositionner les pions. Pour le moment, c'est trop facile d'être malhonnête. »
Selon celui-ci, les règles sont floues et l'exposition à toutes sortes de conflits d'intérêt est beaucoup trop importante. Il avoue d'ailleurs qu'il n'était pas surpris de l'actualité des derniers mois. « C'est partout pareil. »
« On se dit qu'à force de dénonciation, les gens vont peut-être y penser à deux fois avant de mettre la main dans le bol de bonbons », ajoute Mme Joly.
Travailler à contre-courant
Des pratiques du domaine de la construction, l'équipe de la firme LeM en dénonce plusieurs. « On a d'ailleurs perdu un contrat, indique M. Malouin. La première chose que l'homme m'a demandé c'est ce que je pouvais faire pour lui. Il aurait fallu lui offrir un cadeau pour obtenir le contrat ».
Les exemples sont multiples. « Il y a des entrepreneurs qui ne soumissionnent pas simplement parce que tu ne leur garantis pas qu'ils vont emporter l'appel d'offres. D'autres nous demandent tout simplement combien de soumissions nous prenons afin qu'ils soumissionnent sous différents noms. »
Le système de la construction pourrait être modifié à plusieurs niveaux indique Claude Malouin. « C'est pour ça que je n'ai pas de trouble avec la possibilité d'une commission d'enquête. En plus, ça éliminerait plein de compétiteurs », conclut-il à la blague.
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