Prostitution: les Basses-Laurentides n'y échappent pas

Par Josiane Yelle
Malgré l'apparence bonne enfant de la banlieue, des travailleuses du sexe sont bel et bien présentes dans la région des Basses-Laurentides. S'il n'est pas toujours facile de s'en rendre compte, c'est que la prostitution a autant de visages qu'il y a de prostitués.
En effectuant des recherches sur Internet, il n'est pas très difficile de trouver les coordonnées d'une escorte des Basses-Laurentides pour obtenir ses services.
L'offre joue sans doute un rôle avec la demande. « Je reçois des dizaines d'appels par jour », indique d'entrée de jeu celle qui se surnomme Diamond depuis maintenant trois ans. La jeune femme de 29 ans précise qu'il s'agit pour la plupart d'hommes mariés qui souhaitent la rencontrer à Laval ou Montréal pour se faire plus discrets.
C'est en se fiant à l'impression qu'ils lui laissent au téléphone que Diamond sélectionne la dizaine d'hommes qu'elle rencontre chaque semaine. « C'est une question de pressentiment. » Elle ne prend toutefois pas moins ses précautions pour autant. « J'ai toujours un garde du corps qui m'attend dans la voiture et qui est sur écoute et prêt à intervenir. Je trouve ça important. »
Diamond pratique la profession d'escorte pour payer ses études. Chaque rencontre de 20 à 30 minutes lui procure entre 100 et 200 $. « Mais je fais ça seulement en attendant, tient-elle à préciser. Je ne prends pas de drogue. J'ai vraiment un but à acquérir ». La jeune femme est franche et directe. Une fois qu'elle aura gradué, elle ne sera plus travailleuse du sexe.
Bien qu'elle ne voie pas son travail comme de la prostitution, elle n'ose tout de même pas dire la vérité à sa famille et ses amis. « Non », se contente-t-elle de répondre à la question.
Elle bifurque alors sur un autre aspect. « Il y a beaucoup de pédophiles. En faisant ce travail-là, j'ai l'impression de réduire les tentatives d'abus chez les jeunes. Il y a des hommes qui m'ont déjà demandé de m'habiller en petite fille et de me faire des lulus. Des fois, les autres filles et moi on se dit qu'il y aurait beaucoup de victimes s'il fallait qu'on arrête tout ça ».
Décriminaliser plutôt que de légaliser
Légaliser la prostitution ou non est une question à laquelle le directeur général du Centre Sida-Amitié, Gaston Leblanc, a de la difficulté à répondre.
Via le programme CatWoman, son équipe et lui travaillent d'arrache-pied avec des travailleuses du sexe de la région des Laurentides afin de réduire les méfaits.
« Je ne suis pas pour et je ne suis pas contre. Je n'ai pas à prendre position parce que je ne suis pas un prostitué. Et puis, pour moi, le problème n'est pas là. Il est dans la décriminalisation de la prostitution. Ce que j'observe, c'est qu'il y a trop de filles qui tombent dans les adages de la justice. Mais la justice, ça ne vient rien régler. La fille va juste devoir se prostituer deux fois pour payer et rendre ses comptes. »
Selon celui-ci, la prostitution va au-delà de ce qu'on en montre à la télévision. « La prostitution, c'est un acte monnayable. Mais il y a également du troc. Qui se prostitue et qui ne se prostitue pas, là est toute la question. » La secrétaire qui gagne une promotion en couchant avec le patron ou la femme qui achète la paix et la tranquillité avec son mari en lui faisant une faveur sont autant de formes, croit M. Leblanc.
« Il en a sur tous les territoires, même là où on ne le croirait pas. Et ça ne se passe pas comme les gens le pensent. Ce n'est pas comme à la télé. Mon grand problème, c'est qu'on montre souvent le même visage, alors que ce n'est pas juste ça. La misère humaine devrait être illégale, tout simplement », conclut-il.
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