La boccia et le dépassement de soi

Par Cédérick Caron
SAGUENAY - Impossible de demeurer insensible lorsqu’on entre dans le gymnase où se déroule le championnat de boccia des Jeux du Québec. Environ une quinzaine de joueurs atteints de différentes formes de paralysie cérébrale rivalisent dans cette discipline d’origine italienne qui pourrait s’apparenter à un mélange de pétanque et de curling.
Originaire de Laval, Sandrine Dion, 12 ans, se concentre à bloquer les prochains lancers de son adversaire de 11 ans, Zach Bouchard, qui représente Lanaudière. Bien qu’ils compétitionnent l’un contre l’autre, la camaraderie règne sur le terrain.
Zach Bouchard, qui habite Lavaltrie, est atteint d’amyotrophie spinale. Il a la masse musculaire d’un enfant de 2 ans et les médecins ne cessent d’allonger son espérance de vie. Dernier pronostic : il ne devrait pas dépasser le cap des 12 ans, mais cela ne semble pas le déranger lorsqu’il lance sa balle.
«J’aime que l’on puisse s’affronter en restant ami. J’aime aussi le côté stratégique», a précisé celui qui s’adonne à ce sport depuis cinq ans.
Sandrine Dion joue quant à elle depuis trois ans. Elle a été initiée à la boccia lors d’une fête de Noël pour enfants. Celle qui joue aux quilles depuis qu’elle est toute petite est atteinte de la maladie de Krabbe.
«Elle grandit, mais pas ses muscles», a vulgarisé rapidement sa mère, Dominique Caron.
La jeune fille avait 22 jours lorsqu’elle a reçu une greffe de moelle osseuse. Trois jours avant la qualification régionale, on lui a enlevé un plâtre qu’elle avait dû porter après une chirurgie à la hanche et au genou pour allonger certains tendons. Elle a ensuite fait des sessions intensives de physiothérapie afin de pouvoir s’asseoir dans son fauteuil. Elle porte encore une orthèse qu’elle peut enlever pendant ses matchs.
La tradition familiale se poursuit
À Saguenay, Philippe Lord poursuit la tradition familiale, puisque sa mère et son père ont déjà participé aux Jeux du Québec. Le jeune homme originaire de Blainville dans les Laurentides est atteint de paralysie cérébrale. Il ne parle pas et seule sa tête bouge. Son père Gaétan est son assistant sportif. Il a le dos au jeu et ne peut regarder sous peine d’une pénalité. C’est lui qui place la boule sur une rampe qu’il bouge selon les directives de son fils. Ce dernier retient la balle avec une tige appelée licorne qui est fixée à sa tête. Il n’a qu’à la lever pour faire rouler la boule.
Auparavant, Zach Bouchard jouait aussi avec une rampe jusqu’au moment où il s’est aperçu qu’il pouvait lancer par en haut. Ce fut alors une grande fierté.
Des jeunes comme les autres
Lorsqu’on demande à la directrice générale de l’Association québécoise de sports pour paralytiques cérébraux (AQSPC), Jo-Ann Arvey, ce qui fut le plus grand défi de la coordination de la compétition, elle n’hésite pas avant de répondre.
«Il a fallu convaincre l’organisation que les jeunes pouvaient être intégrés. Au départ, elle ne pensait pas que les jeunes pouvaient dormir dans les classes ou prendre l’autobus avec les délégations. Je leur ai expliqué que les jeunes n’étaient pas malades et qu’ils devaient être le plus possible intégrés avec les autres. Ils doivent faire partie de l’équipe et développer le même sentiment d’appartenance.»
En tout, 10 régions sont représentées par un ou deux jeunes, mais au Québec, ce sont 15 des 19 régions présentes aux Jeux du Québec qui initient les enfants à la boccia.