Un ex-employé de Nortel se voit couper son assurance invalidité

Par Josiane Yelle
Marc Girard sait qu'une tempête approche. Il voit un nuage noir, mais se demande bien s'il sera épargné. C'est l'analogie qu'utilise cet ex-employé de Nortel, aujourd'hui invalide et bientôt sans le sou. À compter du 31 décembre prochain, le fond d'assurance invalidité de la compagnie sera épuisé.
L'homme de Blainville a pourtant toujours payé ses assurances à la Sun Life. Mais c'était sans savoir que Nortel avait signé un contrat avec la compagnie d'assurance pour qu'elle gère l'aspect administratif alors que les sommes recueillies étaient administrées par l'employeur lui-même. «Tous les documents que je recevais portaient l'entête de la Sun Life, comment aurais-je pu m'en douter?» La question demeure sans réponse.
M. Girard a reçu son diagnostic de sclérose en plaques en 1998 à 32 ans. Quatre ans plus tard, il était déclaré invalide et devait arrêter de travailler.
Depuis, il fait partie des gens qui bénéficient des assurances qu'ils ont payées toute leur vie. Il reçoit chaque mois ses chèques d'assurance invalidité et, malgré des frais de médicaments qui s'élèvent à 25 000 $ par année, cet argent et la rémunération de sa femme sont suffisants pour subvenir aux besoins de leurs trois enfants. Du moins, jusqu'en janvier prochain, car au moment même où la célèbre compagnie de télécommunication se mettait sous la loi de la protection de la faillite, en janvier 2009, elle arrêtait également de déposer des fonds pour ses 400 employés invalides.
Un projet de loi
Malgré le fait qu'il deviendra un retraité de Nortel à 65 ans et qu'il y a un autre combat qui se mène actuellement sur ce front - selon toutes vraisemblances, les retraités pourraient perdre au moins 35 % de leur revenu mensuel -, Marc Girard consacre son énergie à assurer ses prochaines années.
À cet effet, le projet de loi S-216, visant à modifier la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, est actuellement au Sénat où il devra être accepté avant d'être voté à la Chambre des communes. «Il vise à ce que les invalides deviennent des créanciers préférentiels, de sorte qu'une partie des milliards de dollars de la vente des unités administratives de Nortel nous revienne dans des délais raisonnables», explique le Blainvillois qui souhaite que les sénateurs prennent la bonne décision.
Pour le moment, le juge qui s'occupe du dossier de Nortel en Ontario a tout de même ordonné à la compagnie d'endosser les frais d'avocat de chaque personne invalide qui entame des procédures pour réclamer leur dû.
Une inquiétude quotidienne
Si la situation est inquiétante, Marc Girard avoue que l'épreuve de sa maladie et les lectures qu'il a faites à ce sujet l'aide à traverser cette nouvelle embûche. «J'ai appris à me concentrer sur les choses que je peux contrôler et à laisser la vie s'occuper du reste.»
Il n'en demeure pas moins que le père de famille semble plus préoccupé par les siens. «Je sais que la pression est énorme sur ma femme et qu'elle s'inquiète, même si elle m'avoue le contraire, confie-t-il. Je sais que c'est difficile d'avoir à vivre avec quelqu'un d'invalide et que la situation l'est d'autant plus. Même si elle essaie de rester forte, je peux lire dans son visage.»
Malgré tout l'espoir qu'il fonde dans le projet de loi, Marc Girard demeure inquiet. Un nuage noir plane au-dessus de leurs têtes. «J'ai dû dire à mes enfants de préparer leur parapluie.», dit-il.
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